Caroline BOYER intervenait dans le procès d’un professeur jugé pour des faits d’agressions sexuelles sur mineurs

Article publié dans Le Parisien.

Cet homme de 60 ans était jugé ce mercredi par le tribunal correctionnel d’Evry pour des agressions sexuelles et consultation d’images pédopornographiques.

Prenant la parole en dernier, Richard A., 60 ans, a réitéré ses excuses devant le tribunal correctionnel d’Evry ( Essonne ). « Je veux redire, ce n’est pas un vain mot, mes regrets. Je regrette infiniment ce que j’ai imposé à ces victimes et vous redire mon intention de me soigner, pas seulement deux ou trois ans, mais à vie. »

Ce mercredi soir, cet ancien professeur de mathématiques, qui enseignait jusqu’en 2016 au collège Blaise-Pascal à Villemoisson-sur-Orge, a été condamné à six ans de prison ferme par le tribunal correctionnel d’Evry pour des faits d’agressions sexuelles, corruption de mineurs et consultation d’images pédopornographiques. Le tribunal a prononcé un mandat de dépôt différé, ce qui signifie que sa date d’incarcération sera définie ultérieurement. La peine est assortie de cinq ans de suivi sociojudiciaire avec injonction de soins.

Des attouchements sur un jeune Roumain

Un deuxième homme, Jean-Pierre P., 67 ans, que l’enseignant avait rencontré sur le Net et avec qui il correspondait régulièrement, a lui aussi été condamné à 10 mois de prison avec sursis pour détention et acquisition d’images et vidéos pédopornographiques. Tous deux ont interdiction d’avoir des activités les mettant en contact avec des mineurs et devront verser 16000 euros aux associations qui se sont portées partie civile.

Richard A. avait été interpellé le 10 février 2016. Dans son téléphone portable, volé et donné aux policiers, se trouvaient 7500 photos et près de 900 vidéos à caractère pédopornographique. Dans l’une d’elles, on voit ce dernier commettre des attouchements sur un jeune Roumain de 9 ans, rencontré peu avant sur le parking de Marques-Avenue à Corbeil-Essonnes. Sur une autre vidéo, projetée à l’audience et que le prévenu n’a pas pu regarder, il donne des instructions, via une messagerie, à une personne en Chine, afin qu’elle lui montre les fesses et le sexe d’un petit garçon qui semble endormi.

Déjà condamné pour des atteintes sexuelles et du voyeurisme sur mineurs

Des faits qu’a entièrement reconnus Richard A. : « Je ne comprends pas comment j’ai pu faire ça. Il était si jeune. J’ai vraiment honte, je ne peux pas regarder, c’est la pire des horreurs. Il était endormi, vulnérable. Tout ça pour satisfaire des pulsions d’adulte. Je suis effaré, j’ai honte de moi, souffle-t-il. A cette époque-là, j’étais pris par cette pulsion, ce trouble. Je n’ai aucune excuse. C’est devenu un engrenage. »
Pourtant, ce n’était pas la première fois que cet homme commettait des actes délictueux. En 1998, il avait été condamné pour exhibition sexuelle. Et surtout, en 2006, il a écopé de 15 mois de prison par la justice britannique pour des atteintes sexuelles et du voyeurisme sur mineurs, alors qu’il encadrait une colonie. Il avait alors purgé une partie de sa peine en Angleterre avant de rentrer en France.

Réintégré par l’Education nationale

Malgré cette condamnation outre-Manche, la commission disciplinaire de l’Education nationale avait décidé de le réintégrer à l’unanimité, estimant que les faits n’étaient pas assez étayés. Il avait simplement changé de collège, passant de Sainte-Geneviève-des-Bois à Villemoisson, à quelques kilomètres de là. En 2016, la ministre de l’Education Najat Vallaud-Belkacem avait pointé une décision entachée d’« erreurs graves d’appréciation ».

En 2005, peu avant cette colonie, Richard A. s’en était également pris à un de ses élèves, à qui il donnait des cours de guitare. Cet élève, alors âgé de 12 ans, était présent à l’audience. A l’époque, l’incident s’était réglé à l’amiable avec les parents du jeune garçon, l’épouse de Richard A., elle-même enseignante, les implorant de ne pas ruiner leur future vie de famille. Mais en 2016, en apprenant l’interpellation de son ancien professeur, il avait décidé de porter plainte. « J’ai fait cette démarche pour les autres victimes, appuyer leur dossier », déclare-t-il à la barre. Richard A. devra lui verser la
somme de 7000 euros au titre des réparations. Alors que durant l’enquête, confronté à sa victime, le prévenu avait totalement nié les faits, il a ce mardi tout reconnu. « Malheureusement, je l’ai complètement trahi. C’était prémédité. A cette époque, je me croyais amoureux de lui, je fantasmais sur lui. J’ai craqué. Je suis heureux qu’il ait parlé. »

Des soins entamés depuis sa détention

Ce père de quatre enfants, avec lesquels il n’a jamais commis le moindre acte pédophile, est aujourd’hui divorcé. Il est néanmoins resté en bons termes avec sa deuxième femme et ses deux enfants, qu’il continue de voir. Radié de l’Education nationale en 2017, il a effectué deux ans de détention provisoire et a suivi des soins, qu’il continue depuis sa libération sous contrôle judiciaire.

Des soins et un mea-culpa qui n’ont pas totalement convaincu les avocats des parties civiles. « Je n’arrive pas à savoir si ces deux-là ont compris que derrière les images et vidéos qu’ils regardaient, il y a des enfants qui souffrent, s’interroge Me Fabienne Fenart pour l’association Enfance et Partage. Par ailleurs, il avait déjà été suivi entre 2001 et 2005 et ça n’a pas empêché la réitération des faits. » Me Caroline Boyer, qui représente Agir Contre la Prostitution des Enfants, s’inquiète de voir qu’il « n’identifie pas la cause de son passage à l’acte » et du « caractère cyclique » de ces agressions. « Qu’est-ce qu’il faudrait de plus ? l’a défendu son avocate, Me Louise Tort. Il vous dit lui-même que les soins ne seront jamais terminés.

Sa culpabilité, il ne la conteste même pas. Il a mis à profit sa détention pour se soigner et se reconvertir, trouver du travail. Il a un avenir professionnel et un avenir avec ses enfants. »